A bird? (Pour Adélie, si tu veux continuer!)

Ce jour-là ce fut un drôle de blessé qu'on amena à l'infirmerie, puisqu'il ne s'agissait même pas d'un humain... Non, il n'était autre qu'un oiseau, un petit oiseau qui avait aujourd'hui eu la malchance de se retrouver possédé par un esprit... Un esprit qui n'avait pas vraiment marqué en bien les autres personnes qu'il ou elle avait rencontré, au passage, puisque depuis tout à l'heure, c'est-à-dire depuis qu'ils avaient quitté le bureau de la directrice —au revoir, merci beaucoup, ils lui avaient fait toutes les politesses possibles, mais nous avons été contraints à une ellipse et puis on a déjà vu, de toutes façons, qu'ils étaient polis avec Mademoiselle Nina—, Takashi n'avait de cesse de râler sur le compte de Feld, qui l'avait décidément laissé de mauvais poil.

Pff... Cette... Cette... Personne, là... Non mais pour qui elle se prend? D'abord elle fait style de vouloir nous harceler encore, et la seconde d'après on est des gêneurs...

Elle a menacé de nous tuer si on la suivait... 'Faut pas charrier! On l'a conduit jusqu'au bureau de la directrice tout de même!

Oui, c'était généralement comme ça ; quand Takashi commençait à râler, Osamu avait tendance à le suivre et à en rajouter une couche. Ceci dit, notons tout de même que jamais ils n'auraient osé sortir ce genre de choses devant Feld, bien qu'ils le pensent réellement, probablement... Gentils, gentils lâches. La nature humaine dans son ensemble. Pitoyable, mais avouons que nous le sommes tous un peu...

Ça m'énerve! ...Ouais, ça m'énerve! Alors qu'on avait passé un accord!

Allez, n'y pense plus, va, tu te fais du mal... On ferait mieux de s'occuper de cet oiseau maintenant...

Osamu tentait de calmer son ami, frustré peut-être bien à raison, allez savoir, en le prenant par les épaules avec un sourire confus. En même temps il pensait à l'oiseau que Takashi tenait dans ses mains. Mmh... Il avait déjà soigné des volatiles avec Takashi, il savait comment on s'y prenait, mais il se demandait à présent si l'endroit était vraiment adapté pour... Cette gentille petite fille les avait conduits là sans qu'ils y réfléchissent, c'était entendu... Mais est-ce que ça avait vraiment une utilité?

Dis, Takashi-kun... Tu crois que ça va aller, de soigner l'oiseau ici?

Bien sûr que ça va aller! Ce qu'il nous faut d'abord, c'est de l'eau. Pour qu'il se lave dedans et qu'il enlève mon odeur de sur lui.

Hm! Et après ça... Interdit de le toucher!

Adélie avait donc escorté et guidé les deux grands à l'infirmerie. Bizarrement, il y avait l'air de n'y avoir personne... Peut-être que le personnel attendait à côté?

La petite regardait les deux autres râler et s'occuper de l'oiseau avec un regard incertain.. Est-ce qu'ils savaient vraiment quoi faire? Bon, c'était des grands, mais les grands ne savent pas tout, elle avait pu s'en appercevoir à plusieurs reprises... Sérieusement, comment voulez-vous soigner un oiseau sans le toucher? Elle avait du mal à voir.

Et puis autre chose l'intriguait...

- ... Un marché? Z'avez passé un marché avec dame Feld?

Puis, spontanément ( elle regarde trop la télé, cte gamine, j'arrête pas de le répéter! ), ces mots regrettables sortirent de sa bouche et entrainèrent aussitôt une spirale infernale dans sa petite cervelle de moineau :

- Un pacte avec le diable ? (où avait-elle entendu ces mots? Une rediffusion d'un quelconque Faust sans doute...)

C'est vrai que cet esprit avait l'air pour le moins... Surhumain. Nina avait eut beau affirmé que c'était un être humain, il en dépassait largement les limites. Un être que toute nourriture laissait indifférent? Ce pouvait bien être un genre de diable... Et puis, elle ne savait rien au juste de ses pouvoirs ( car elle était bien sûr fermement convaincue que Feld en possédait ), mais ça devait pas être très sympa.

Honnêtement, maintenant qu'elle réfléchissait à cette personne... Elle avait l'impression qu'elle pouvait faire les choses les plus invraisemblables sans bouger un sourcil. Niveau réaction, rien, nada, à se demander si elle était vraiment là... Bon, en même temps, c'était un esprit, donc un truc sans corps... Bref, une chose qui échappait complètement à la compréhension d'Adélie, mais à laquelle ses pensées revenaient sans cesse comme le chien revient à l'os pour le ronger.

Eh? Oh, oh non... Rien de ce genre...

Pas à ce point-là, bien sûr... Pas vrai?

Les deux jeunes arboraient un sourire des plus confus en répondant à cette question. Dans le cas de Takashi, il était difficile de savoir s'il disait "non" de façon vraiment convaincue ou pas, mais il était clair à voir la trombine d'Osamu et ses traits tirés de façon un peu trop exagérée, que ce dernier n'était pas rassuré par l'idée et niait cette histoire de "pacte avec le diable" plus pour se persuader lui-même que ça ne pouvait pas être ça, que pour répondre à la question d'Adélie véritablement. Takashi avait trouvé un lavabo et continua à répondre à la petite fille d'un air un peu absent, les yeux fixés sur l'oiseau dont il devait s'occuper et qui titubait dans sa main, pendant qu'il faisait couler de l'eau. Pas de peur dans les yeux du grand garçon-cacahuète. Après tout, même si Feld avait été une sorte de démon, ça aurait pu être intéressant... Bon, sans aller de perdre dans l'idée de conséquences funestes, bien sûr. Parce qu'Osamu, lui, était loin de perdre ça de vue et c'était pour ça qu'il se raidissait au possible en se répétant des lieux communs dans sa tête...

Non, c'est pas possible, ça peut pas décemment être ça... Le diable dans un parc d'attractions... Hahaha... N'importe quoi... C'est pas possible que ce soit ça, hein, c'est pas possible, hein?

Mmh... Non, je ne pense pas que Feld soit le diable. Quoiqu'on n'est sûr de rien, après tout, il —ou elle— ne nous a rien dit à propos de sa nature...

Alors qu'il devait, hein? Le salaud, salaud d'esprit! Mais non, Takashi ne pensait déjà plus à ça. Apparemment il s'était calmé et puis surtout, il avait à présent sous les yeux un certain objet pour le divertir de sa frustration. Il avait posé l'oiseau sur ses deux petites pattes, sur le bord blanc du lavabo à présent plein d'eau et qu'il avait pris le soin de boucher —bien sûr—, mais le petit animal ne bougeait que faiblement et ça le désolait un peu. C'était de sa faute... Il n'aurait pas dû lui causer tant d'émotions fortes comme ça...

Oh... Il a pas l'air en forme... J'ai peur qu'il meure, celui-là...

Tu... Tu crois qu'il a été trop secoué par les évènements?

Secoué c'est certain, trop j'espère pas, mais... Regarde-le...

Il doit être mort de peur...

La question du diable vaguement écartée par les deux grands, Adélie cessa aussitôt de s'y intéresser lorsque Takashi commença à s'inquiéter de la condition de l'oiseau. Il fallait vraiment faire quelque chose, parce que Takashi disait que... qu' il allait mourir?

Adélie, comme beaucoup de tout petits, avait beaucoup de mal à prendre du recul face aux paroles des grands. Elle serra les lèvres et les poings en retenant ses larmes...

Quoi? Le zoziau... va mourir? Mais... y lui est arrivé quoi en fait? Y s'est fait écrasé? Il est tombé?

Elle s'approcha du lavabo où Takashi lavait l'animal et agrippa le rebord de ses deux petites mains, tirant au maximum pour apercevoir ne serait-ce qu'un petit bout de plume. Elle dépassait à peine la hauteur du tuyau d'évacuation... Bien sûr, il aurait été plus avisé d'aller chercher un tabouret, mais la petite était bien trop inquiète pour y penser.

Elle allait rester un bon moment dans cette position inconfortable lorsqu'heureusement, Osamu ajouta :

- Il doit être mort de peur...

... Révélation!! Il avait peur! C'est vrai, c'était une expression qu'Adélie avait déjà entendu quelque part... Un peu rassurée, elle lacha le bord du lavabo et teomba sur ses pieds.

- Oh, bah si il a peur, y faut le rassurer!

Et elle se mit sans attendre à gazouiller, les deux mains sur son coeur ( selon elle, la meilleure posture pour se faire entendre, hum ) sans aucune honte, convaincue de mettre l'oiseau en confiance... Le pire, c'est qu'il avait l'air de reprendre du poil de la bête, on aurait dit que son plumage se rembourrait, et son oeil auparavant éteint luisait légèrement à présent. Peut-être qu'elle lui avait vraiment dit quelque chose?

En tout cas, elle n'en doutait pas, et comme il se mettait à émettre de petits "Chip, chip", elle ajouta à son adresse :

- Ouais, c'est drôle, hein?

À la vue de l'oiseau qui semblait miraculeusement reprendre une certaine énergie, Osamu se pencha sur l'évier en ouvrant de grands yeux stupéfaits.

Oh...! Takashi-kun, regarde!

Takashi avait un peu détourné le regard un court instant, laissant l'oiseau se laver tout seul comme faire se doit, pour qu'il se débarrasse bien de son odeur grâce à l'eau. Un oiseau qui garde une odeur humaine est non seulement effrayé lui-même parce qu'il n'aime pas cette odeur, mais en plus il effraie aussi ses congénères qui ne veulent plus de lui et le rejettent. Alors la perte de contact physique avec un oiseau commençait tout de suite dès le moment où il devait se débarrasser de l'odeur humaine... C'était à ça que servait le lavage. Bref, Takashi avait cessé d'être attentif un court instant, quand le glapissement d'Osamu attira à nouveau son attention.

Eh... Elle... Elle a vraiment parlé à cet oiseau, ou quoi?

C'est diiingue!

D'un même geste, Osamu et Takashi baissèrent les yeux vers la petite Adélie qui souriait innocemment dans cette posture destinée à mettre en confiance, qui semblait réellement converser avec le petit volatile... Les deux grands considérèrent l'enfant d'un air franchement bluffé. C'était assez incroyable effectivement, ce qu'elle venait de faire... Est-ce que c'était l'un de ces mystérieux pouvoirs de l'innocence des petits, ou un truc du genre? En tout cas c'était... Ouais, c'était incroyable, c'est le mot! Osamu fut le premier à sourire, en considérant Adélie, et il fut très vite suivi par Takashi.

Cette petite est dingue! On dirait bien qu'elle a fait reprendre conscience à cet oiseau...

Ouais, c'est... Un peu comme un miracle!

Oui, ils désignaient Adélie à troisième personne, alors qu'elle se trouvait juste devant eux dans le moment même, et qu'en plus ils la regardaient fixement... Mais ils étaient tellement absorbés par l'étonnement qu'ils n'y songeaient pas même pas à vrai dire.

Ça faisait plaisir de voir l'oiseau barboter dans le lavabo, il avait l'air pas si mal en point finalement. Enfin, son aile pendait toujours lamentablement et il lui faudrait probablement une attelle... Et quelqu'un devra sans doute s'occuper de lui tant qu'il ne pourra pas chercher sa nourriture tout seul, mais peut-être pouvait-il s'en remettre.

Ça rappelait une chanson à Adélie d'ailleurs, une qu'elle avait aprise à la maternelle l'an dernier et qui parlait d'oranger, de petit oiseau et de mariage. ... Pourquoi de mariage, déjà? Elle n'était plus bien sûre de se souvenir, l'âge, déjà...

Tout se passait donc bien avec l'oiseau, mais Takashi et Osamu avait l'air dépassés par les évènements. Il commentaient ses actions comme si elle n'avait pas été là, comme si... Elle était passé du côté "extraterrestre" comme dame Feld, tantôt.

Adélie, elle, s'étonnait de voir les deux grands s'étonner, justement. Elle ne voyait pas ce qu'elle avait pu faire d'extraordinaire, non qu'il lui soit déjà arrivé de papoter avec un oiseau, mais enfin ça ne lui semblait pas surhumain... C'est pourquoi, elle répondit ingénuement à leurs remarques :

- Mais c'est pas un miracle, c'est une blague!

Puis, comme il semblait que ces mots ne pouvaient suffire...

- Bah oui, jlui ai raconté une blague, et "pffft" il a plus eu peur. Il vous trouve drôles, aussi.

Tout ceci partait en fait d'une compréhension très confuse et la petite aurait bien du mal à retracer exactement ce qui était passé entre elle et l'oiseau. Peut-être était-ce là une forme de magie, peut-être même commençait-elle à découvrir SA propre magie. Mais Adélie ne pouvait le comprendre, ni même le sentir, rien n'avait changé en elle et elle ne se sentait en rien différente des autres.

Ben oui, communiquer, c'est possible pour tout le monde, dès le moment où on y met tout son coeur... Que ce soit véritablement un pouvoir surnaturel ou la simple conviction de sa naïveté d'enfant, les deux étaient si intimement liés qu'il aurait été dur de savoir si l'un était la cause de l'autre ou s'ils étaient une seule et même chose. Elle pensait parler à l'oiseau, donc ils se comprenaient.

Quant à son rétablissement... Elle n'y voyait là que l'efficacité d'un remède dont elle avait très souvent bénéficié : son père, sa mère ou sa soeur lui chantent une petite chanson, la font rigoler un peu, et hop! Le bobo est oublié. Rien de bien sorcier...

Ooh...

Héhé...

À vrai dire, Osamu et Takashi restaient pas mal bluffés, même si la petite Adélie faisait preuve de tant de simplicité... Ils n'étaient toujours pas tout à fait certains de la raison réelle pour laquelle l'oiseau se sentait mieux ou non, et de si Adélie y était réellement pour quelque chose, mais ce qui était certain, c'était que cette petite penchée sur le lavabo, en train d'expliquer la façon dont on rassure une personne qui a peur avec tant d'innocence, elle ne pouvait pas les toucher plus. Que ça soit physiquement concevable ou non, les deux jeunes garçons aimaient à se laisser croire que c'était bien elle qui avait rendu d'un coup la santé à cette petite bête. Takashi vint alors tapoter la tête d'Adélie de sa grande main avec un sourire entre l'amusement et l'attendrissement :

C'est vrai, il nous trouve drôles? En tout cas, merci... Tu nous a bien aidés...

Adélie-chan, sugoi!

"Sugoi" voulant dire "formidable" ou "impressionnante", ou quelque chose du genre. Mais je trouvais que ça sonnerait mieux en japonais. Takashi s'était redressé pour regarder l'oiseau qui s'était mis à se laver tout seul comme il l'espérait, tandis que son ami à lunettes continuait de considérer Adélie avec un bon sourire. Le grand gars à la tête de cacahuète, en observant leur petit protégé, eut un geste de satisfaction, remotivé par ce petit signe du destin apporté par une enfant.

Yosh! Tout a l'air d'aller beaucoup mieux maintenant... Une fois qu'il se sera lavé il faudra qu'on le nourrisse, et avec un peu de chance il devrait finir par mieux se porter!

Mmh... Oui, mais on le nourrit avec quoi, au juste?

Adélie avait peut-être l'habitude qu'on lui dise qu'elle était mignonne, mais qu'on la félicite pour ses actions, pas tant que ça. Sous le coup du compliment, elle prit quand même un petit coup de fard.

Rooh, c'est vrai, j'ai bien aidé?! Hihihi, y doivent penser que je fais grande... ( une obsession, jvous dis...)

Malheureusement, elle n'allait pas longtemps rester sur cette bonne impression, car les deux grands abordèrent un sujet où la petite perdait toute réserve... Celui de la NOURRITURE. Que donc donner à manger à l'oiseau à manger? Pour Adélie c'était évident, et comme le corbac stupide, elle ouvrit son large et bec et laissa tomber cette énormité :

- Bah, avec des bonbons, Samu ( Osamu c'est trop long pour elle...), c'est sûr, tout le monde aime ça!!

Tout aussi ébahie que les deux grands par sa réponse, la gamine plaqua aussitôt ses deux mains sur sa bouche, comme si elle pouvait y faire rentrer les paroles qui venaient d'en sortir...

Oh non, kes j'ai dit? Ça y est, y vont me prendre pour un bébé, j'ai bien vu que Feld aimait pas les bonbons, c'est pas tout le monde qui aime!!

Rouge de honte ( et non de satisfaction comme deux minutes auparavant ), elle baissa la tête et murmura pour se rattraper ( bien qu'en réalité ce ne soit pas vraiment ce qu'on puisse appeler une amélioration...) :

- Euh, non, jvoulais pas dire, euh... C'est un animal et les animals ( c'est pas moi, c'est elle! Oui, je sais, c'est pas bien de rapporter...) ça aime que les croquettes, et pas le sucre. Pell-nii, il en a des pour chat, vous croyez que ça marche pour les zoiseaux?

Non, non, c'est impossible...

Osamu secouait la tête en considérant Adélie avec un petit sourire gêné. Depuis le temps, il savait, lui, qu'un oiseau n'avait que faire de croquettes pour chats, que par ailleurs ça avait le gosier très sensible, un petit oiseau, ça pouvait s'étouffer même avec du pain... La façon de nourrir un oiseau en mâchant le travail de l'instinct de survie soit dit en passant était déjà de connaître le régime alimentaire de l'espèce. Espèce que Takashi entreprit de repérer en se penchant légèrement —pas trop près, il ne faut pas lui faire peur— vers l'évier avec un oeil vif, qui étudiait le petit volatile d'un bout à l'autre.

Mmh... À le voir comme ça, ça m'a l'air d'une certaine sorte de moineau... Ce qui veut dire que...

Alors qu'il tirait une conclusion de son observation, Takashi pâlit soudain et s'écarta un peu du lavabo pour avaler sa salive en raidissant tout son long corps. Osamu comprenait bien ce que ça voulait dire, d'autant que lui aussi avait à peu près en tête les habitudes culinaires du moineau...

...Gulp.

Mmh, je vois... La chose la plus simple à se procurer, c'est encore un insecte trouvé à même le sol, hein, c'est bien ça?

La simple idée d'insecte faisait que le plus grand des deux n'avait réellement pas l'air dans son assiette. Osamu considérait son camarade avec un sourire qui se voulait rassurant et posa alors une main amicale sur l'épaule pour qu'il se détende un peu, tentant de lui faire comprendre qu'il n'avait pas à s'inquiéter pour si peu et qu'il n'aurait pas à toucher de petite bête grouillante, s'il ne voulait pas toucher de petite bête grouillante...

Oui, pour notre plus grand malheur, mon Dieu, oui! Mais moi, je m'en fous, je toucherai pas à ces sales bestioles-là! Berk! Ça me dégoûte... Ça m'insupporte!

Allons, allons... Calme-toi... Je m'en occuperai, moi, t'as pas à t'inquiéter tant que ça, Takashi-kun...

- Des zinsects?! Ouaaah!

Grande chance pour le moineau, la petite Adélie avait beau être très coquette et féminine, elle n'était pas le moins du monde perturbée par les petites bébètes qui grouillent. Juste par celles qui piquent, mais on peut dire qu'elle avait là une raison tout à fait compréhensible de les craindre...

Donc, au lieu de prendre du recul, elle s'approcha d'Osamu en battant des mains, déjà dans un humeur du style "excursion scolaire dans la nature". D'ailleurs, la maîtresse les avait déjà emmenés chasser les coléoptères au début de l'été dernier, et Adélie en gardait un très bon souvenir, même si elle n'avait pas décroché un palmarès particlièrement glorieux...

- On va aller à la chasse, hein? Y faut un seau, et pis une pouizette... Ah!! Pour un zoziaux, on prend des zinsects qui volent ou des zinsects qui volent pas?

Intense réflection... Elle avait peut-être vu dans un documentaire ou un livre d'image...? Ah!! Mais oui!! dans un dessin animé! Elle revoyait encore l'oiseau tirer l'espèce de cordon élastique du sol, jusqu'à ce qu'il cède et que le piaf tombe à la renverse...

- Des vers de terrrrre! Rugit-elle, y mangent des vers de terre, comme les poissons qu'on pêche!

Puis, elle agrippa Osamu pour lui tirer la manche. Adélie avait assez vite compris que Takashi n'était pas intéressé, et elle avait fait comme la maitresse pour les filles qui avait refusé de venir. Elle l'avait ignoré, au cas où ça pouvait le décider à penser que, finalement, c'était peut-être pas si mal...

- C'est vrai, hein, c'est vrai, c'est des vers de terre, j'ai bon?!

Ça y est, Osamu et Takashi étaient déjà passés du rang d'inconnus sympatiques à celui de compagnons d'onfortune, et Osamu avait été soudain bombardé maître es chasse aux insectes. Adélie le regardait avec un air de confiance absolue, persuadée ( mais pourquoi?! ) d'être tombée sur un expert.

Hm... Oui, enfin, précisément je dirais des vers de farine plutôt... Mais c'est à peu près ça...

Brrrr...

Takashi rabattit ses mains contre ses épaules en frissonnant, à force d'entendre une telle conversation. Rien que d'en parler, ça le rebutait déjà... Comment on pouvait concevoir de voir ces petites bêtes grouillantes et dégoûtantes sans les écraser? Étrangement, à ce sujet-là, Osamu avait l'air, pour une fois, bien plus courageux que lui —il avait ses peurs personnelles, Osamu ; peut-être moins conventionnelles, mais pas moindres non plus... En attendant, le petit gars à lunettes restait à son idée, tandis que le grand dadet tremblait dans son coin...

Avec un peu de chances, on peu trouver quelque chose qui s'en rapproche par ici, dans les coins avec de l'herbe ou de la terre... Cependant... Il ne nous faudra pas trop traîner, cet oiseau devra être relâché sitôt qu'il montrera des signes de santé...

Oui... S'il reste trop longtemps dans cet environnement qui lui est hostile, à entendre nos voix qui lui font peur, son état a plus de chance de s'aggraver que l'inverse...

Bien que Takashi soit tout à fait dégoûté par le sujet présent dont on parlait, il n'avait pas été rendu inapte à toute conversation, Dieu merci. Après tout, c'était probablement lui qui s'y connaissait le plus dans le domaine... Osamu approuva d'un signe de la tête.

Ceci dit, si on peut trouver de quoi manger à cet oiseau sans trop de difficultés, ça devrait aller assez vite... Sachant qu'il en faut vraiment peu pour remplir l'estomac d'un oiseau. À la limite, même un ver suffirait, tu ne crois pas, Takashi-kun?

Oui, enfin... Ne me parle pas de ver. T^T

Takashi en restait là, détourné d'Osamu et d'Adélie, les mains sur ses oreilles et l'air pâlot. Il ne voulait décidément pas entendre... Son ami soupira et se retourna vers la petite fille avec un timide haussement d'épaules.

Euh... Oui, ça devrait aller à peu près... Donc tu vois, je ne pense pas non plus qu'il y ait besoin d'organiser toute une chasse à l'insecte mais...

Adélie buvait les paroles des deux grands ( et à vrai dire surout celles d'Osamu ), les dévorant du regard.

Alors on y va ? On y va? Uh, des vers de farine? Quoi, on en trouve dans la cuisine, c'est ça? Ouah, j'espère que Maman vérifie si y'en a d'dans quand elle en achète, euuurk...

Repartie dans une de ses rêveries intempestives, la petite ne faisait plus très attention à ce que se disaient Takashi et Osamu. Elle envisageait sérieusement d'aller ouvrir et fouiller les paquets de farine que sa mère entreposait dans le placard sous les feux de cuisson...

Mais Osamu laissa échapper une phrase perturbante, qui la ramena au coeur du problème présent. Elle ne pouvait pas le laisser dire ça sans réagir!

- Quoi, on va pas à la chasse?

La déception d'Adélie était immense et elle pouvait se lire sur son visage aussi bien qu'on l'entendait dans sa voix. Osamu ne voulait pas laisser mourir cet oiseau ici quand même? Il fallait lui donner à manger, le pauvre!

- Mais si on chasse pas, comment on va attraper du vers?

Osamu considéra à nouveau la petite avec un sourire confus et fit le geste avec son doigt —son index, ses autres doigts étant repliés vers l'intérieur de sa main pour être plus précis— :

Ah, non, ce que je veux dire, c'est qu'on aura juste besoin d'un seul ver... Donc que la chasse en question ne risque pas d'être très longue...

En réalité, le jeune garçon s'efforçait de parer une réaction qui de la part d'un enfant pourrait peut-être s'avérer excessive. Il paraît —on le disait dans les mangas et les animes et les autres fictions— qu'un petit garçon ou une petite fille énergique se montait très vite la tête lorsqu'il s'agissait de faire quelque chose qui le motivait —or, ça avait ici l'air d'être tout à fait le cas pour Adélie— et donc qu'il pouvait pratiquer cette activité de manière excessive et peut-être même envahissante... Et donc, il voyait d'ici la petite arriver avec trente-six-mille seaux pleins de vers grouillants et encore bien vivaces, écartant ses petits bras avec un visage des plus satisfaits : "Regarde, regarde, j'en ai ramassé plein!"... Et dans une situation pareille, comment se débrouiller ensuite? Sans compter la crise que piquerait Takashi, s'il se retrouvait même avec un seul seau plein de vers sous les yeux... Ça pourrait très bien finir comme ça si on ne faisait pas attention, pas vrai...?

Mmh... Je ne suis sûr de rien, moi, mais mieux vaut prévenir que guérir...

Non, Osamu n'était sûr de rien. Enfant unique, il n'avait jamais eu de petit frère ou de petite soeur et n'avait jamais vraiment eu l'occasion de s'occuper d'enfants. C'était pourquoi il était assez maladroit avec les petits et qu'il avait peur de faire la moindre bêtise... Takashi, il avait de la chance... Il apprendrait, à mesure que Rumiko-chan grandirait, du moins lorsqu'il aurait une occasion de la voir... Mais peut-être, qui sait, avec un peu de chance... Après tout, Osamu était son meilleur ami, peut-être le laisserait-il donc s'occuper aussi un peu de sa petite soeur?

Euh, mouais...^^" C'est peu probable...

Pas faux non plus. Vu l'amour inconditionnel et plein de surprotection que Takashi portait au petit bébé, il serait probablement pire que la mère lionne qui ne veut pas qu'on approche ses petits... Pas même son meilleur ami, ça semblait presque évident.^^"

Effectivement, le débordement d'etnhousiasme était quelque chose à craindre chez Adélie. Mais en l'occurence, un regard vers l'oiseau l'obligea à reprendre son sérieux.

Oui, oui, y faut pas non plus en avoir trop, sinon il va avoir des problèmes de poids, comme moi et comme il est déjà malade, enfin blessé...

-Donc, y faut en choper qu'un. Compris, Samu!!

Et elle se mit au garde-à-vous ( une posture calquée sur celle qu'elle avait parfois vu prendre à Shaa-kun et qu'elle avait classé dans son top 10 des attitudes de grand responsable ). Elle resta un petit moment dans cette position, mais ses yeux ne pouvaient s'empêcher de virvolter dans la pièce et ses petites méninges de faire jouer leurs rouages.

- Tututu... Y faudrait quand même un peu des outils, nan? Même si y'en a qu'un... Ah!

Et, sans aucune gêne ( c'était quand même le bureau de quelqu'un d'autre, enfin! Mais dans sa tête, l'infirmerie c'est avant tout chez les malades, pas chez les docteurs...), et avec une agilité de jeune singe ( on est pas très loin du compte, à vrai dire ), elle grimpa sur le fauteuil à roulettes qui se trouvait entre la table de travail et les étagères pour mieux examiner les bocaux.

- On le mettra dans un comme ça. Pas çui-là qu'est plein... tiens, hop! Lui l'est vide.

Elle se saisit du bocal en question et sauta lestement du fauteuil en brandissant son trophée face aux deux grands. Elle rayonnait de fierté. Il serait pas dit qu'elle serait restée des bras croisés devant un être en détresse, un pauv 'tit zoizeau!

- Et voilààà! on est prêts. Quand est-ce qu'on part?

Osamu considérait toujours Adélie avec un petit sourire intéressé. Pas intéressé dans le sens péjoratif du terme, intéressé par la motivation et l'esprit d'initiative dont pouvait faire preuve cette petite. Une seule pensée lui traversait l'esprit à présent qu'il voyait cette petite blondinette pleine de vie attendre avec impatience le moment de passer à l'action : ça doit être cool d'avoir une petite soeur... Takashi-kun et mademoiselle la directrice avaient vraiment beaucoup de chance...

Eh ben, je pense que si on est parés, on peut y aller maintenant!

Oui, après tout, ils avaient un bocal dans lequel mettre le ver, que demander de plus? Quoique, en temps normal, Osamu aurait été tout flippé de se servir d'un malheureux bocal trouvé dans l'infirmerie : est-ce vraiment bien de prendre quelque chose qui ne nous appartient pas sans y être autorisé, hein? Mais bon ; dans le cas présent, c'était Adélie Akizuki, la petite soeur de la directrice, qui avait fait le choix de le prendre, ils n'auraient donc pas tant d'ennuis que ça, pas vrai? De toutes façons, toutes ces expériences d'aujourd'hui auraient au moins eu le mérite de lui apprendre qu'il ne fallait pas tant s'inquiéter que ça quand on avait des soucis ; ça s'arrangeait plus vite qu'on ne le pensait le plus souvent. Le petit gars à lunettes vint donc, la mine souriante, tapoter l'arrière de l'épaule de son ami qui se tenait toujours très tendu à l'écart, simplement pour attirer son attention et lui demander s'il venait.

Takashi-kun...?

HEEH!

...Oh!

Osamu eut vite fait de retirer sa main, tant il avait été surpris par le geste nerveux de Takashi qui s'était secoué dans un immense sursaut alors qu'on l'avait tout simplement effleuré. Le grand dadet se retourna avec un visage défait, d'un air de dire "me fait pas des peurs pareilles, bon sang!".

Quoi?

Non... Rien...^^" Je suppose que t'as trop peur pour y aller...

J'ai pas peur! Ça me dégoûte au plus haut point, c'est tout!

Bon, bon...^^"

Mémo : ne pas prétendre que Takashi a peur, sauf quand il le dit lui-même. Plus c'est grand plus c'est fier, parfois, il faut croire...

Eh bien, Adélie-chan, je crois qu'on est bon pour y aller tous les deux... Takashi-kun veillera sur l'oiseau pendant ce temps-là!

Adélie avait observé la scène avec stupéfaction. Ce grand qui voulait faire comme s'il n'avait pas peur... Il lui évoquait un souvenir assez cuisant : la soirée d'Halloween où elle et Hina avaient essayé de décliner une invitation à aller dans une maison hantée et où Pelleas lui avait ri au nez. Heureusement, il avait en fin de compte accepté de la laisser avec son amie...

C'est marrant, y l'est comme nous, mais c'est un grand. J'croyais les grands pas peur, mais...

Voyant qu'Osamu faisait comme si de rien, Adélie décida de l'imiter. Elle non plus n'aurait pas apprécié qu'on cherche à lui faire admettre qu'elle était morte de trouille, surtout quand elle luttait pour ne pas trembler ni pleurer à la simple évocation de certaines choses...

- D'accoooord! Surveille bien le zoiseau, Takashi. Si l'a peur, tu chantes, hein!

Et, spontanément, tenant avec difficulté le bocal sous le bras gauche, la petite fille saisi de sa main droite la main d'Osamu et leva la tête vers lui avec son éternel sourire candide.

- Héhéhé, alors on part en esploration, Samu? Où tu crois y'a des vers? Là où y'a dla terre, hein?

Puis Adélie se rappela qu'elle avait amené les deux grands ici. Ils ne connaissaient pas vraiment le parc... Pour sa part, Adélie était plus intéressée par les boutiques et les restaurants que par les attractions elles-même et ne pouvait penser qu'à une seule d'entre elle, pour chercher des vers.

-... Y'en a, au labyrinthe des contes de fées. C'est un labyrinthe ( quel plaisir de prononcer un mot compliqué ) en arbres! Y'a plein de terre par terre!!

Et toute riche de sa nouvelle découverte ( y'a de la terre par terre, voilà qui est inattendu... ), Adélie attendit avec espoir un signe d'accord ou une autre idée de la part du maître des insectes, expert en traque de vers et de coléoptères, j'ai nommé le très grand Samu-sensei!

Mmh...

En réalité, c'est vraiment touchant mais assez naïf... J'ai bien peur que les voix humaines ne lui fassent plus peur qu'autre chose... Quoique, elle a réussi quelque chose d'assez étonnant tout à l'heure, c'est vrai. Mais il n'est pas dit qu'on aura autant de chance tout le temps...

Takashi considérait cependant la petite fille sans rien lui répondre de précis, avec un gentil sourire. Après tout c'était une enfant, il était normal qu'elle croie ce genre de choses... Et puis, elle était vraiment gentille de s'impliquer comme ça, et moins difficile à tenir qu'on aurait pu le penser de la part d'une enfant énergique —oui, sa petite soeur n'ayant pas encore eu le temps de grandir beaucoup, Takashi avait la tête remplie des mêmes préjugés qu'Osamu, pour l'instant—... Osamu, quant à lui, avait été pour le moins surpris du geste d'Adélie qui lui avait pris la main, avec le sourire comme toujours. Sur le coup, il avait rougi légèrement, non pas que le geste l'embarrasse, mais ça lui faisait tout bizarre, un geste pareil, pour lui qui ne savait pas ce que ça faisait d'avoir un frère ou une soeur. Ça devait être cool, décidément... Ouais, ça devait être cool, et cette petite fille-là était vraiment gentille. Quand on y pense, Osamu s'en moquait un peu, mais peut-être qu'au final, ce n'était pas si étonnant que ça, si Takashi était tombé amoureux de sa petite soeur... Bon, peu importe, il ne fallait pas s'égarer mais plutôt garder en tête ce qu'ils avaient à faire. Adélie proposait déjà des endroits. Mais était-ce réellement exploitable? Le petit gars à lunettes s'était à présent mis à réfléchir...

Mmh... Ce n'est pas sûr... Cet endroit-là étant visité régulièrement par le public, il est probable qu'on en prenne soin et qu'il soit nettoyé ou entretenu du moins pour éviter l'irruption de parasites... Quoique c'est assez inévitable, c'est la loi de la nature, mais on aura moins de chances d'en trouver dans cet endroit que dans d'autres peut-être...

La réflexion prenait une tournure assez étrange, assez caricaturale. C'était un peu comme si Osamu avait étendu dans son dos une carte invisible et qu'il jouait les profs de géographie/géologie tout en menant à bien sa recherche intérieure. Pour une recherche optimale il fallait mettre un nombre maximum de facteurs positifs de son côté... Hoy, Osamu, il s'agit juste de ramasser un bête ver de terre sur le sol, tu sais...^^" Il en faisait probablement un peu trop...

Par conséquent, on peut donc rayer d'une même manière tous les endroits maintenus régulièrement dans une propreté même relative, peu importe s'il y a de la terre dedans ou non. Dans un endroit où on s'attend à pouvoir se salir un peu, à la rigueur, ça se trouve bien dans certains parcs, mais Takashi-kun et moi, on n'a encore fait le ménage que dans certaines zones... Je suppose que d'autres ont besoin d'être davantage entretenues ou du moins d'une manière plus professionnelle... Donc, tout ça... À éviter... Non, même un coin de pelouse où les gens ne marchent pas beaucoup, ça ferait l'affaire... En tout cas, un endroit humide, et donc, peut-être, à l'ombre. La plupart des vers apprécient l'humidité... Même si dans le cas des vers de farine c'est plus compliqué, mais on peut bien en trouver ailleurs que dans un placard, évidemment...

Adélie était médusée. Par le savoir de Samu-sensei, d'abord, qui décidément n'était pas sensei pour rien ( à vrai dire, elle n' avait pas vraiment compris de quoi il s'agissait, mais il avait l'air intelligent en disant tout ça... ), mais aussi par...

- Quoi? On les trouve pas que dans les placards? On les trouve où, alors? Dans le pain? Les.. les gâteaux?

Elle fit la grimace... tout compte fait, les insectes, c'était pas si sympa que ça... Enfin, leur tronche était toujours super rigolote et ils font souvents de drôles de bruits ( Adélie, fan de mouches -.- ) mais s'ils se mettaient jusque dans notre nourriture pour se faire bouffer, c'était plus amusant du tout! Et la liberté de manger, alors?

- Berrrk, ça doit pas êt bon!! Tout mou, tout glissant, tout vivant!!

Elle allait poursuivre ses interrogations et agonir son nouveau professeur d'une floppée de questions au rythme télégraphique quans elle avisa la tête de Takashi, et même l'expression de tout son corps, révulsé de dégoût. Au moins, elle pouvait partager un peu de cette aversion à présent... Mais elle jugea plus prudent d'abréger et revint au sujet précédent.

On ne sait jamais à quelles extrémités peuvent conduire la haine des petites bêtes...

- Hum, euh alors... on cherche quel genre d'endroit, Samu?

Et elle jeta un regard égaré à son aîné. Il faut diure qu'une fois de plus, elle avait échoué à se concentrer tout le long de son discours, et qu'elle n'avait saisi, comme souvent dès qu'on parlait trop longtemps, que le début et la fin de ce qu'il avait pu dire...

Beuaaah!

Takashi-kun!

Takashi avait été secoué d'un long spasme lorsqu'Adélie avait entamé une description éventuelle de ces sales petites créatures qui le répugnaient tant. Beurk, beurk! Ça lui donnait envie d'en écraser sur le coup, pour se défouler, tiens. Pour se retenir de crier, il se plaquait les mains sur la bouche, afin de ne pas effrayer ce pauvre oiseau qui était si peu habitué à n'entendre aucun son à part des voix humaines... Osamu était à présent passé dans le dos de Takashi et passait régulièrement ses mains sur ses épaules comme pour le réchauffer, comme s'il avait froid. Takashi n'avait pas froid, mais au moins ce geste le soulageait... C'était assez peu perceptible, mais ses muscles tendus par le dégoût se relâchaient un peu, alors qu'il faisait l'effort de retrouver son calme.

Du calme, Takashi-kun... Va... Respire... Respire...

Fiou...

Le grand gars à la tête de cacahuète finit par lâcher un profond soupir en fermant les yeux un instant. D'accord. Ça allait aller. De toutes façons, Osamu et Adélie l'avaient bien compris, il valait mieux éviter le sujet lorsqu'il était dans les parages... Oui, même la petite fille semblait l'avoir réalisé, car à présent elle aussi s'était tue et avait embrayé sur un autre sujet. Elle était plutôt mature et délicate pour son âge, cette enfant... Elle était pourtant très jeune, non? Takashi avait adressé à son ami un regard suppliant, auquel Osamu le fit renoncer en un simple sourire. Oui, oui, vieux, t'inquiète pas, on a compris, on se tait... Le garçon à lunettes revint alors vers la petite soeur de la directrice pour lui donner une réponse plus concise cette fois, en levant l'index avec un sourire comme pour expliquer quelque chose :

Simplement un endroit assez calme et avec de la végétation, on devrait bien pouvoir en trouver là si on regarde bien... Tu sais où on peut trouver un endroit comme ça, Adélie-chan? Il doit bien y en avoir ici, non?

- Hum... Un endroit avec du l'herbe? ... Ouais, y'a une grande pelouse pas loin, où y'a des vendeurs de ballons!! Et du cerf-volant aussi! Suis-moi, Samu, je sais, je sais!

Tout fière d'elle, la petite fille saisit la main que le jeune homme agitait devant elle ( trop tentant, fallait pas la laisser trainer là!!) et la tira pour l'inciter à la suivre. Il fallait pas trainer, on sait jamais... Il parait que les poules n'ont pas de dents et les vers pas d'ailes, mais comment en croire son bon sens dans ce monde de magie où les insectes parlent et où les fées descendent parmi les hommes, hein?

Voilà un peu où en était Adélie, qui après quelques mois d'existence au parc s'attendait à toutes sortes de surprises incongrues. Elle n'en oubliait pas moins les bonnes manières, enfin, SES bonnes manières, et elle s'écria avant d'entrainer Samu-sensei hors de l'infirmerie, vers la bordure du quartiers des boutiques :

- Au r'voir n'oiseau! Au r'voir Taashi! soyez bien saaa~ges!

Amicale salutation qu'elle ponctua d'une petite rapide et sifflée qui fit se redresser le petit piaf. Il lui disait au revoir! ( C'est dans ta tête, monsieur Tweedy...)

Ah... Euh... D'a... D'accord!

Osamu était un peu déconcerté tout de même, à voir à quel point cette petite était sûre d'elle. C'était étonnant... C'était peut-être aussi parce qu'elle était la petite soeur de la big boss, qu'elle avait réellement ses aises dans un tel endroit... En fait, ça lui faisait bizarre, à lui qui comme Takashi, à vrai dire, avait toujours essayé de se faire tout petit partout et d'autant plus dans un endroit où ils jouaient le rôle de dociles employés qui ne voulaient surtout pas se faire virer... Quand on y repense, voilà que le jour même ils manquaient à leurs fonctions... Mais bon, on ne laisse pas comme ça un oiseau blessé, pas vrai? Deux beaux grands imbéciles au grand coeur... Voilà ce qu'ils étaient, ces deux-là. Osamu partait donc avec Adélie qui le tirait par la main, sachant apparemment bien où ils devaient aller... Et pendant ce temps, Takashi leur faisait un léger signe avec un sourire sympathique qui le faisait affreusement ressembler, avec ses si petits yeux noirs, aux personnages de Tintin.

Soyez prudents, hein!

Finalement lorsqu'ils furent déjà bien éloignés, le grand gars poussa un léger soupir et eut un dernier regard pour eux en croisant les bras, avec un sourire cette fois plus fermé. C'était un sacré petit bout de fille que cette enfant-là... Hein?

Taashi et Samu, qu'elle nous appelle... C'est assez marrant...

Évidemment, on ne peut pas en vouloir à une enfant de cet âge d'avoir du mal à prononcer les noms... Enfin, Takashi n'allait pas le dire haut et fort, mais il espérait en secret que Rumiko, au moins, en grandissant, n'écorcherait pas son nom ainsi. Espoirs de grand frère qui nous fait un beau gros sister complex... Mais tout ça n'était qu'une information annexe après tout.

Osamu... Ça va aller, vraiment, tu crois?

Bah, il s'agissait juste d'aller chercher un ver, hein. En plus, l'oiseau avait l'air d'aller miraculeusement mieux, ça laisser à espérer...



HJ : À partir de là, tu veux qu'on commence un nouveau sujet avec Adélie et Osamu ailleurs pour reprendre ici plus tard, ou continuer ici? Up to ya!^^

[ Désolée, je me suis endormie avant de répondre... Eh oui, je fais la sieste, comme Adélie!]


Adélie marchait, toute guillerette, main dans la main avec Samu et levant le nez pour apercevoir de temps à autre son trophée. Un ver! Ils avaient attrapé un ver! L'oiseau pourrait manger et en plus c'était un peu grâce à elle, Samu l'avait félicitée! Elle avait hâte de voir si le petit animal trouverait l'asticot à son goût...

Ils arrivaient à l'infirmerie et lorsque Samu poussa la porte, Adélie en profita pour lacher sa main et courrir vers l'oiseau et Taashi en criant à tue tête :

- Taaaashi, Taaashi! On en a eu un! Et j'ai aidé même! Samu et moi, on est trop forts pour traper les vers! Regard', regard'!

Et elle le tira par la manche pour attirer son attention sur le bocal. Pauvre Takashi, elle avait complètement oublié qu'il détestait ces bêtes-là...

À vrai dire, elle n'attendait même pas de réaction particulière de sa part, puisqu'elle détourna presqu'aussitôt la tête et sifflota un brin, pour saluer l'oiseau. Il avait l'air un peu faible, non? Adélie jeta un regard inquiet à Samu.

- Il est tout tristoune, le pauvre... On lui donne maint'nant?

HJ : Hora, qu'est-ce que je devrais dire! XD Je suis fouchtrement lente, moué, heingue, j'ai rien à dire et d'ailleurs je dis rien.


Hum, il vaut mieux ne plus attendre davantage...

C'est une chance déjà que cet oiseau ait tenu la forme jusqu'ici alors... Faites que tout se passe bien pour lui...

On en était là. Adélie avait eu la bonne idée d'attirer l'attention de Takashi vers le bocal avec le ver dedans, dès leur retour, tout d'abord. Ouais, bonne idée, vraiment. Le grand dadet n'avait été capable que d'émettre un gémissement larmoyant, avant de filer à l'autre bout de la pièce et de s'accroupir en se bouchant les oreilles. Comme si les vers faisaient du bruit... Mais vous savez bien, c'est la position typique du gars qui a peur... Si même on disait le moindre mot à propos de ce ver, ça finirait de l'effrayer, à un point où il en mourrait même! Mais non, tout ça c'est dans ta tête... Enfin, Osamu avait considéré son ami avec un sourire assez confus et compatissant en même temps, assez content à l'idée de vite le débarrasser de cette peine-là. T'inquiète pas, mon pote, il aura vite disparu, ce machin qui te dégoûte tant, il sera mangé et tout ira bien... Bon, en attendant, le pauvre Takashi n'en menait pas large. Il fut au moins, heureusement, capable d'une réponse, même s'il n'avait décidément pas l'air très à l'aise lorsqu'il se retourna légèrement, sa peau mate ayant viré à un pâle assez alarmant, pour lâcher d'une voix blanche, en s'efforçant de ne surtout pas regarder la bestiole dans le bocal —qui, depuis le voyage, était déjà bien moins vivace que tout à l'heure, il faut l'avouer— :

O... Oui, 'faut faire vite... Il est déjà un peu plus faible que tout à l'heure...

On a rien pour lui faire ingurgiter directement... Il va falloir lui présenter la nourriture et voir s'il l'accepte. Euh... C'est bien ça, hein?

Hm... Hm.

On faisait bien attention de ne pas parler à voix trop haute, pour ne pas faire peur à l'oiseau avec des timbres auxquels il n'était pas habitué. Les réponses de Takashi se résumaient simplement en de petits gémissements ponctuels. Bon. Au moins avait-il approuvé... Osamu ouvrit alors doucement le bocal et en lâcha le contenu sur le bord du lavabo, à côté du petit moineau. Et puis il se tut, fit "chut" avec son doigt sans désigner personne en particulier —Takashi ne regardait pas de toutes façons, et Adélie, on ignore où elle avait ses yeux sur le moment...—, et attendit simplement dans un silence. Il ne restait plus qu'à espérer que l'oiseau ne se méfie pas de cette nourriture tombée de n'importe où et qu'il soit encore en était de manger ; enfin, quoique, sur ce premier point, il n'y avait normalement pas trop de souci à se faire... Les oiseaux qui ont le front de se balader dans des lieux où passe souvent l'être humain ne crachent pas sur la nourriture et viennent souvent autour des points de nourriture pour manger les restes, les miettes tombées par terre... Alors bon, un ver...

[ Je trouve plutôt rapide, moi... J'aime bien ^.^ Le suspens, c'est bien, mais pas trop longtemps!! ]


Ça y est, Samu avait laché le ver! Adélie retint sin souffle en observant la scène. Le petit oiseau à l'aile blessée sembla se redresser un peu pour observer la forme gigotant en face de lui. Un peu comme s'il n'en croyait pas sa chance. Vous pensez, rencontrer dans un endroit tout à fait hostile un petit cassse-croûte sans défense qui vous tend les bras ( façon de parler, pour un ver... )!

Il y eu un instant de flottement où l'oiseau sembla ressembler ses forces, puis, soudain, il piqua de la tête vers l'asticot , son bec tout tendi vers lui et... Se cogna contre l'émail du lavabo. Le pauvre piaf avait l'air de voir trentre-six chandelles...

- Ooh!

S'exclama Adélie, partagée entre l'indignation ( méchant lavabo XD ) et la pitié. De toute évidences, l'oiseau devait avoir à ce point perdu ses repères qu'il ne savait plus viser correctement... Ce qu'il fallait faire, la gamine s'en doutait, elle voyait les oiseaux le faire avec leur portée dans tous les cartoons...

Elle se rapprocha donc du lavabo, qu'elle atteignait à peine et tendit la main, haut, très haut... Mais rien à faire, elle ne pouvait pas attraper le ver. Pire, l'oiseau ( mais de là où elle était, la petite ne pouvait pas s'en apercevoir ) commençait à considérer cette main qui s'agitait devant lui de la même façon qu'il avait considéré le ver un peu plus tôt...

Heureusement, elle retira bien vite sa menotte et se tourna vers Samu ( taashi, toujours tapi dans son coin, était de toute évidence hors-combat ) pour lui demander d'une voix inquiète :

- Il y arrive pas Samu, y faut mette le ver dans son bec, comme les mamans zoiseau!

Et elle regarda à nouveau le piaf avec angoisse. Il avait recommencé à frapper l'émail, il fallait se dépêcher, avant qu'il ne se blesse encore plus...

Eeeeh? C'est pas vrai... Non mais quelle cervelle d'oiseau!

À voir l'oiseau s'éclater la tête "allègrement" contre l'émail du lavabo, Osamu se demandait effectivement ce qu'il pouvait bien avoir dans le crâne. À ce rythme-là, il allait se tuer tout seul, l'animal! Heureusement, Takashi, qui surveillait la scène d'un oeil, comme il pouvait, eut plus de jugeotte que son ami à ce sujet et comprit clairement les raisons du malaise. Ce n'était pas tant que le piaf fût plus stupide que tous les autres piafs. Il était juste confronté à une situation trop inhabituelle pour lui, ça paraissait évident, enfin... Ce fut donc sur un ton un peu agacé que le jeune garçon s'exprima depuis le fond de la pièce, en se retournant de trois quarts et en lâchant une drôle de moue sur son visage en forme de cacahuète :

C'est parce qu'il est complètement déboussolé! Tu crois que c'est habituel, toi, pour un oiseau sauvage, de se retrouver à manger sur le bord d'un lavabo à l'intérieur d'une infirmerie?

...Oh...

Osamu baissa les yeux. Il n'avait pas pensé à ça, c'est vrai... Il en avait un peu honte d'ailleurs ; il se sentait un peu bête... Mais enfin, puisque réponse il y avait à présent à ce sujet, il fallait bien remédier au problème avant effectivement que les choses ne s'aggravent plus encore pour le petit volatile... Mais d'abord, écarter la main de la petite Adélie de là : l'enfant prenait bien trop de risques à laisser se balader ses petits doigts sensibles dans la ligne de mire du bec pointu de l'oiseau... Heureusement, effectivement, la petite s'en chargea elle-même, et exposa à Osamu ce qu'elle avait dans l'idée.

Mmh... Le mettre dans son bec... À la main, comme ça?

Essaie toujours! Moi, du moment que cet oiseau arrête de s'infliger des souffrances inutiles et que tu fais ENFIN disparaître cette horreur qui gigote, je réponds plus de rien!

Ah... Tu... Es sûr?

Je suis sûr de rien mais fais ce que je te dis! On n'arrête pas d'agir tant bien que mal depuis tout à l'heure, ce sera pas faute de faire un nouvel essai une fois de plus!

C... Compris!

Bon, puisque Takashi-kun le disait, ça devrait aller, pas vrai? Et puis, après tout, il y avait aussi la petite Adélie-chan avec eux, cette enfant qui leur portait bonheur —kuso, c'est qu'il commence vraiment à y croire—... Attrapant le ver par son extrême extrémité, c'est-à-dire en le touchant à peine pour ne pas trop le marquer de son odeur, Osamu l'éleva au-dessus de la petite tête de l'oiseau en croisant les doigts de sa main libre. Au moins le piaf avait-il arrêté de se taper la tête contre l'émail du lavabo. Très consciencieusement, le garçon à lunettes baissa tout doucement la petite bêbête blanche vers l'oiseau, et finalement, le petit bec se referma sur l'autre extrémité et commença à ingurgiter. Ça allait lentement. Assez lentement pour qu'Osamu se sente même de l'encourager mentalement.

Allez... Avale... Avale...